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De la didactique des mathématiques à la discussion à visée philosophique par Marc Bailleul

Maître de Conférences, IUFM de Basse-Normandie, CERSE, Université de Caen.
Publié le jeudi 5 juillet 2007.


Le questionnement didactique ne manque pas de déboucher, de quelque manière que ce soit, sur la question « Comment les enfants raisonnent-ils ? » mais aussi, plus globalement, sur celle du sens de la présence des élèves à l’école. Répondre à cette dernière question nous emmène irrémédiablement vers d’autres horizons que des horizons strictement mathématiques. Comme on le verra ci-dessous, il y a une large part de hasard dans mon « intrusion » dans le monde de la philosophie. Mais s’agit-il vraiment d’entrer dans ce monde ou de pratiquer certains types de questionnements qui seraient des préalables à la philosophie ? Apparaissent alors des interrogations quant à la formation à ces pratiques que j’ai investies en « étranger ». Je me garderais bien de répondre d’une façon qui se voudrait complète et définitive à ces questions. Je me contenterais d’essayer de témoigner d’un cheminement en alliant le récit, certes parfois anecdotique, et une forme de mise à distance (l’anecdote n’est-elle pas, toujours, chargée de sens ?) qui, je l’espère, répond aux attentes de ce livre.

Des colloques comme lieux aléatoires de rencontre...

Université de Rennes II, 3 juin 1994 : je soutiens une thèse de mathématiques sur le thème, barbare pour certains, les non matheux en particulier, « Analyse statistique implicative : variables modales et contribution des sujets, application à la modélisation de l’enseignant dans le système didactique ». La deuxième partie de ce travail est consacrée à l’étude des représentations de l’enseignement des mathématiques chez des enseignants de cette discipline. Ces travaux me valent une invitation à un colloque international de mathématiques organisé au Maroc, à Safi, en mai 1995. J’y prononce une conférence sur le thème « Une grille d’analyse des discours d’enseignants et des cahiers d’élèves : les représentations des mathématiques chez les enseignants ». A ce même colloque, un collègue québécois, Richard Pallascio, enseignant de mathématiques à l’UQAM[1] nous parle de... Mais dans les colloques, comme chacun sait, les échanges informels sont aussi importants, voire plus, que les communications officielles. C’est ainsi que nous nous retrouvons devant une bière à parler de nos enseignements et intérêts de recherche respectifs. C’est la première fois que j’entends parler de « philosophie pour enfants », dispositif que Richard et son équipe[2] essayent d’adapter à l’enseignement des mathématiques.

En avril 1996, nos routes se croisent à nouveau à La Sorbonne à l’occasion de la Biennale de l’éducation et de la formation. Alors que je propose une communication consacrée à « Une modélisation pour éclairer l’articulation recherche sur l’enseignement - formation des enseignants », celle de Richard Pallascio s’intitule « Philosopher sur les mathématiques pour leur donner du sens ». En voici le résumé ci-dessous.

L’approche philosophique des mathématiques est inspirée du programme de Philosophie pour enfants élaboré par Mathew Lipman et son équipe (Lipman et al., 1980). Ce programme vise la compréhension de concepts universels et la réflexion sur ces concepts. Il est chapeauté par une épistémologie de l’apprentissage et par une philosophie de l’éducation pragmatiques, et place l’emphase sur la construction du sens. Au lieu de chercher les bonnes réponses, les jeunes apprennent à poser des questions pertinentes et à y répondre par eux-mêmes, au moyen du dialogue philosophique entre pairs (Lafortune et al., à paraître). Les élèves lisent à haute voix, à tour de rôle, un paragraphe d’un chapitre d’un roman, après quoi ils expriment les questions que la lecture du roman a fait surgir dans leur esprit. Quelques questions sont choisies par le groupe pour fins de discussion. Nous avons élaboré deux romans philosophico-mathématiques pour des élèves de 9 à 13 ans, de même qu’un guide d’accompagnement, incluant des plans de discussion et des suggestions d’activités mathématiques en lien avec plus de cent concepts apparaissant dans les romans (ex : infini).

Cette approche et ce matériel didactique ont été validés au cours des deux dernières années dans deux écoles-recherches. Les « communautés de recherche » engendrées par cette approche amènent les élèves, à partir de leurs propres questionnements et réflexions, à distinguer la pensée de l’action, l’essentiel de l’accidentel, le signifié du signifiant, les objets mathématiques de leurs représentations (ex : figures géométriques)... Avec une formation adéquate, les enseignants, par cette activité réflexive, peuvent permettre aux élèves de concevoir les mathématiques comme une construction de l’esprit humain, comme un monde métaphorique correspondant au monde des quantités et des formes.

J’entrevois dans cette pratique émergente au Québec une réponse possible au renouvellement, souhaitable de mon point de vue, de l’offre de formation continue pour les enseignants du premier degré, formation à laquelle les professeurs d’IUFM sont tenus, statutairement, de participer. Lectures d’ouvrages du domaine (Pallascio et al., 1996, Lipman, 1995), échanges de messages électroniques, un projet se fait jour...

Une opportunité, des résistances et un pari risqué...

L’opportunité, c’est, en 1998, la disponibilité de Richard Pallascio sous la forme d’un congé sabbatique. L’année universitaire 1996-1997 fut tout juste suffisante pour monter le projet : un stage de formation long de quatre semaines sur un des créneaux pendant lesquels des enseignants volontaires se voient offrir la possibilité de partir en formation à l’IUFM, libérant ainsi leurs classes pour les stages dits « en responsabilité » des PE2[3] Il s’agissait là d’une innovation pour tous les acteurs engagés dans ce projet, à Caen bien évidemment puisque ce serait la première formation sur ce thème, mais aussi pour Richard : l’organisation du système scolaire au Québec ne permet pas la mise en place d’actions de formation longue.

Mais c’est à ce moment que nous[4] rencontrons une première résistance, celle de notre propre hiérarchie ! Que vont donc faire dans une formation se réclamant de la philosophie, discipline non inscrite au programme du primaire, deux enseignants de mathématiques alors qu’ils ne sont même pas maîtres d’œuvre de la formation ? De quelle légitimité peuvent-ils se prévaloir ? On ne peut manquer ici de s’interroger sur certaines conceptions réductrices tant de l’apprentissage (une vision de celui-ci dépassant les disciplines classiques de l’école primaire n’est-elle pas permise ?) que de la formation des enseignants (n’est-il pas possible de s’ouvrir à des dispositifs innovants, fussent-ils nord américains ? n’est-il pas possible de se former en « faisant avec » ?).

C’est donc directement auprès de l’Inspecteur d’académie adjoint du Calvados que nous sommes allés présenter pendant près de deux heures notre projet, du point de vue théorique, ouvrages à l’appui, et pratique, en particulier financier : prendre en charge l’intervention du collègue québécois, l’« investissement formation » ne s’« amortissant » qu’à partir de l’année suivante par la réplication de la formation par l’équipe caennaise formée à cette occasion, seule aux commandes cette fois. Pari risqué ? La suite lui prouva qu’il n’en était rien. Qu’il en soit ici à nouveau remercié ! Nous avons appris par la suite que ce fut, en France, la première formation relayée par l’institution.

Les deux points ci-dessus, pour anecdotiques qu’ils soient, sont néanmoins révélateurs de questions de fond quant à la formation et au rôle des formateurs, questions actuellement de toute première importance au moment où une réforme de la formation des enseignants semble devoir se mettre en place. L’institution de formation et ses formateurs se verront-ils cantonnés à un rôle d’exécutant d’instructions venues « d’en haut » ou chargés d’optimiser le fonctionnement du système ou bien encore autorisés à l’initiative, à la conception d’actions de formation innovantes ?

Nous avons donc présenté au Conseil Départemental de Formation le projet dont on trouve le descriptif qui suit dans le catalogue de stages envoyés dans les écoles (Plan Département de Formation).

Intitulé du stage : Initiation à la philosophie pour enfants
Lieu : IUFM, centre de Caen
Durée du stage : quatre semaines, du 23 février au 21 mars 1998
Objectifs, contenus et activités prévus : L’enseignement, à l’école élémentaire, n’a-t-il pas pour objectif premier de « faire grandir » les enfants en leur donnant des « outils pour penser » ? Se poser des questions, le plus souvent à partir du vécu quotidien, y réfléchir et en discuter entre pairs dans des « communautés de recherche », tels sont les principes directeurs de cette approche pédagogique.
Les contenus du stage :
- les origines de cette approche (Dewey, Lipman, ...),
- cette approche parmi les autres approches coopératives,
- la communauté de recherche,
- les compétences réflexives (argumentatives, métacognitives) et le développement d’une pensée autonome et critique,
- la pratique de cette approche : visionnement de vidéos avec des enfants québécois, simulation entre adultes, entraînement à l’animation de communauté de recherche,
- des outils pour passer à l’action en mathématiques et en sciences,
- la création de nouveaux outils.
Public visé : enseignants des cycles III et Il
Responsables de la formation : Marc BAILLEUL, Professeur de mathématiques à l’IUFM, centre de Caen, Richard PALLASCIO, Professeur de mathématiques à l’Université du Québec à Montréal.

1998, la première formation à la « philosophie pour enfants »

Que viennent chercher les stagiaires ?

Signalons pour commencer qu’il y eut près de soixante candidats pour ce stage qui offrait vingt-cinq places. Engouement pour un thème déjà « à la mode » en 98 ou motivation autre ? Les réponses des stagiaires à un questionnaire d’avant stage nous éclairent. Après des questions consacrées à l’apprentissage du questionnement, raisonnement et de la logique (n’oublions pas que ce premier stage était entièrement piloté par des matheux...), la dernière était formulée ainsi :

Finalement, ce qui a motivé votre candidature à ce stage, c’est
- la curiosité pour un thème nouveau,
- l’envie de vous constituer des outils nouveaux, éventuellement disponibles par la suite,
- le besoin de vous constituer des outils nouveaux pour répondre à des problèmes professionnels actuels
- autre chose...

Une première réponse nous dit ceci :

Peut-être que la curiosité l’emporte :
- voir s’il est possible qu’une « mode » (« faire » des la philo) soit « récupérée » au profit, vrai, des enfants en situation scolaire (examiner les rapports d’une institution, l’éducation nationale, avec une discipline « ancienne »)
- comprendre (essayer) pourquoi et comment ce stage a pour responsables des mathéma-ticiens et non pas des philosophes
- quelle philosophie ? y a-t-il une philosophie « pour » enfants ? quel sens ?

Précisons que cette collègue est philosophe de formation. C’est la seule réponse qui évoque cet éventuel effet de « mode ». Le deuxième élément de réponse pose clairement la question de la légitimité. Fallait-il attendre d’avoir convaincu nos collègues philosophes pour engager une formation ? Nous avons décidé, d’une certaine façon, de « forcer le passage », tout en les invitant à se joindre à nous, ce qu’ils ont fait, de façon très ponctuelle pendant ce premier stage, mais, pour deux d’entre eux, de façon beaucoup plus importante depuis, nous y reviendrons.

D’autres réponses articulent des besoins en termes d’outils et des réflexions portant sur les finalités de l’école :
- Ma motivation, c’est pouvoir relancer ma carrière professionnelle trop « ronronnante » à mon avis, trouver d’autres bases de réflexion avec pour finalité changer ma ou mes pratiques.
- Nul ne peut ignorer le contexte social dans lequel les enfants évoluent aussi me semble-t-il nécessaire aujourd’hui plus que jamais de penser « des outils nouveaux » afin que les finalités éducatives reposent moins sur une idéalisation de l’être et un souci d’excellence que sur des visées sociales dans la perspective de la réussite et de l’intégration du plus grand nombre.
- Y voir plus clair sur le rôle d’élève demandé à l’enfant à l’école.
- Le sentiment qu’un outil de ce type est susceptible de donner un certain nombre de réponses au questionnement actuel de l’institution scolaire sur la violence.

Le besoin de rappeler que les enfant en grande difficulté ne doivent pas être absents de la recherche sur un tel thème.

Le déroulement du stage

Comme annoncé dans l’encadré ci-dessus, c’est le dispositif Lipman qui est présenté lors de ce premier stage. D’emblée il suscite chez certains quelques « réticences ».

Extrait d’une évaluation
1ère semaine : Mais qu’est ce que c’est que cette méthode "ficelée" importée du Québec = méfiance, doute, incompréhension (comportement normand)
4ème semaine : Ah, OK, je comprends mieux la 1ère semaine. C’est, ma foi, intéressant !

Mais c’est aussi l’aspect dispositif qui rassure certains : les supports ont été testés, des aides sont disponibles pour le maître (voir les documents d’accompagnement des romans de Lipman, malheureusement peu disponibles en français, et le livre qui accompagne les deux romans publiés par l’équipe de Pallascio, cités plus haut).

Et dès ce premier stage, on voit poindre l’ensemble des questions qui agitent depuis maintenant trois ans le petit monde qui s’intéresse à cette pratique de la discussion à visée philosophique à travers les différents colloques qui lui ont été consacrés. N’est-ce qu’un outil ? et au service de quoi ? Est-ce vraiment de la philosophie ? Avec quels supports ?...

1998-2003 : évolutions et premanences dans le dispositif de formation

Les évolutions...

Premier stage de formation en 98, un deuxième a suivi en 99, conformément à l’engagement pris avec l’institution de référence. La dernière question posée plus haut nous amène à une remarque concernant le stage de 98. Nous travaillions à l’époque surtout avec le roman de Pallascio, Les aventures mathématiques de Mathilde et David. Force a été de constater que toutes les questions retenues par les stagiaires à partir de ce texte n’ont, en aucune façon, concerné les mathématiques. Jeu du groupe de stagiaires avec l’équipe responsable du stage, entièrement matheuse ? Il y a probablement une part d’explication dans cette hypothèse mais on peut aussi lire ici une validation du caractère ouvert du roman pour permettre, comme c’est l’objectif des romans de Lipman, l’émergence de questions de différents domaines.

Nous avons donc délibérément choisi, en 99, de centrer le stage sur la démarche que nous dénommions encore « philosophie pour enfants » et non sur une éventuelle orientation concernant l’enseignement des mathématiques. Cette deuxième année marque une implication plus importante des collègues profs de philo de l’IUFM dans le dispositif. Il faut noter que cette implication ira grandissant en 2001 et 2002. C’est le premier point important relativement à l’évolution du dispositif. Quête de « légitimité » pour les initiateurs ? Volonté de leur part de « muscler » les contenus théoriques du côté de la philosophie ? Réelle envie de travailler ensemble à des questions transversales de l’école ? Il y a probablement un peu de tout cela dans ce nouveau partage des tâches et de la responsabilité pédagogique et didactique.

On peut noter l’absence de l’année 2000 dans l’inventaire de dates ci-dessus. Il y a à cela une explication « anecdotique ». L’inspecteur adjoint à l’inspecteur d’académie qui avait soutenu le projet à son origine partit en retraite à la fin de l’année scolaire 1998. Quand il s’est agi, en février 99, d’arrêter le contenu du PDF (Plan Départemental de Formation), il n’était plus là pour le soutenir et il ne se présenta aucun formateur de l’IUFM pour défendre le projet devant le Conseil Départemental de la Formation Continue, instance paritaire dans laquelle les formateurs sont représentés par trois personnes, peut-être alors insuffisamment informées par nous, convenons-en. Mais il n’en reste pas moins que cette disparition épisodique du stage nous oblige à pointer le caractère particulièrement fragile de ce type d’innovation en formation devant le « rouleau compresseur » des priorités nationales et académiques.

En 2000, les quelques lignes que nous avions écrites pour présenter le stage dans le catalogue du PDF étaient les suivantes :
Faire de la « discussion philosophique » une pratique de l’école primaire
- dans le cadre de l’apprentissage de l’oral,
- dans le cadre de l’apprentissage du raisonnement, critique en particulier,
- dans le cadre de la promotion d’un élève pensant de façon autonome, citoyen en devenir,

voici les objectifs de « l’aventure partagée » que nous vous proposons.

C’est à dessein que nous avons employé le terme d’« aventure partagée » qui est le signe pour nous du principe organisateur de ce stage : il est congruent, c’est à dire qu’il donne à vivre des situations aussi proches que possible du contenu du discours des formateurs.

Des changements aux permanences...

Nous allons maintenant présenter l’organisation du stage. C’est en 99 que fut élaborée la maquette que nous avons utilisée, avec quelques ajustements évidemment, en 2001 et 2002. Il n’est pas inutile de rappeler notre principe de formation : c’est en se confrontant soi-même à la démarche, en tant que praticien, stagiaire ou formateur, qu’on en appréhendera l’essence. Dans sa forme donc, cette maquette peut sembler n’être qu’une juxtaposition de séquences d’actions laissant peu d’opportunité à la réflexion, philosophique si possible.

Dans notre esprit, le stage est situé dans un « entre-deux formatif »,

- suffisamment à distance de l’espace professionnel des stagiaires dont ils doivent, de manière quasiment contradictoire, simultanément

- suffisamment à distance de l’espace personnel des stagiaires pour que les réflexions philosophiques auxquelles ils peuvent prendre (ou reprendre) goût ne les mettent pas dans une position trop déstabilisante.

Les ateliers de philosophie à l’école et au collège ont pour objectif clairement annoncé « l’apprentissage du penser », qu’on ne peut cependant dissocier de l’apprentissage de l’oral, de l’éducation à la citoyenneté, et, plus globalement, les pratiques pédagogiques des maîtres, avec deux questions fondamentales pour ce qui concerne cette activité : quelle est la nature des savoirs en jeu ? quelle est la nature du contrat didactique mis en place au cours de cette activité (en fonction des différentes modalités à travers lesquelles elle peut s’actualiser) ? Nous sommes là dans l’espace professionnel de l’enseignant stagiaire, dont nous ne prétendons pas, bien évidemment, balayer ici la totalité des composantes.

Les quatre dimensions mises en avant ci-dessus, peuvent, dans l’espace personnel du stagiaire, être mises en parallèle avec la « personnalité philosophique » (comment, avec quels savoirs et outils le stagiaire pense-t-il dans son fonctionnement quotidien ?), la « personnalité sociale » (la capacité du stagiaire à s’impliquer dans l’espace social dans lequel il évolue : équipe d’établissement, quartier, ...), la « personnalité politique » (quelle place de « citoyen » le stagiaire occupe-t-il ?) et enfin la « personnalité professionnelle » des participants.

Il nous semble qu’elle peuvent respectivement prendre corps, dans « l’entre-deux formatif » du stage, à travers les apports théoriques, la pratique entre adultes de la philosophie et les confrontations qu’elle engage, la qualité des relations qui s’établissent dans le groupe de stagiaires et avec les formateurs, les communautés de recherche (depuis la lecture partagée jusqu’à la discussion à visée philosophique, en passant par l’élection d’une question à débattre) dont l’expérience est donnée à vivre et le dispositif global du stage à l’intérieur duquel des temps d’expérimentation auprès d’élèves sont ménagés.

2003, 2004 : réduction du temps de stage...

Les modalités de mise en stage des PE2 ont changées pour l’année scolaire 2002-2003. Le stage en responsabilité dans une classe se distribue maintenant en trois périodes de trois semaines au lieu de deux périodes de quatre semaines précédemment. Les professeurs titulaires des classes où sont affectés les stagiaires se voient donc proposés des stages de trois semaines. Il nous a donc fallu adapter la grille de stage à cette nouvelle durée en essayant d’en garder l’esprit.

A la date à laquelle j’écris ces lignes (fin mai 2003), le Conseil Départemental préparant le Plan de Formation 2003-2004 vient de se tenir et a décidé, sous les multiples contraintes qui sont les siennes, budgétaires en particulier, et avec tous les aléas que j’ai soulignés plus haut que ce stage ne devrait plus se tenir sur trois semaines mais serait regroupé avec un stage centré sur la pédagogie coopérative (Freinet) et se déroulerait sur quatre semaines ! Les deux responsables de stage en ont accepté le principe (sous la pression du temps : deux jours pour accepter ou refuser !) mais n’ont pas encore envisagé les modalités : 2 semaines + 2 semaines, quatre fois une semaine, ou un véritable stage élaboré en commun autour d’une problématique qu’il nous faudrait construire...

Regard en arrière...

Je voudrais témoigner ici d’une question relativement « épineuse » quand on est universitaire. Quelle valeur met-on en avant quand on s’engage dans une action innovante de ce type ? Je ne peux m’empêcher de penser à ces nombreuses mises en garde que m’ont adressées certains de mes collègues : « Ce n’est pas fait pour toi ! », « Ça ne t’apportera rien sur le plan de la carrière ! ». Ils avaient raison ! Et néanmoins je persiste... Non pas que j’accorde une valeur à l’innovation en elle-même, non. Mais je pense (après examen intellectuel d’une part et mise en œuvre sur le terrain d’autre part) que cette pratique permet aux élèves et aux maîtres de retrouver le sens de leur présence à l’école. En mettant l’apprentissage du penser au centre des objectifs de l’école, le dispositif que nous présentons et expérimentons en stage permet de mettre en tension et de tenir ensemble le comment et le pourquoi, l’individuel et le collectif.


Notes

[1] UQAM : Université du Québec à Montréal

[2] Richard Pallascio, Marie-France Daniel, Louise Lafortune et Pierre Sykes.

[3] PE2 : Professeurs des Ecoles stagiaires en deuxième année ayant réussi le concours de recrutement.

[4] Nous, c’est à l’époque un petit collectif constitué de deux enseignants de mathématiques : Charles Barbier et moi-même.


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