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Récit de vie professionnelle... par Agnès Pautard

Professeur des écoles, maître formateur, Lyon
Publié le jeudi 5 juillet 2007.


Ce qui a forgé mon identité professionnelle

La réalité scolaire entre 58 et 73 : souvenirs d’écolière

Elève pendant 15 ans dans des classes traditionnelles, ma « carrière » tient en un seul mot, selon les normes scolaires : réussite. Réussir, c’était réussir à l’écrit, ce qui me convenait, étant de nature lente, et « réfléchie ». Ce système était basé sur la distinction des genres, filles et garçons ne se rencontrant pas à l’école primaire ; sur le mérite, avec la remise des prix de fin d’année ; sur l’observation avec les « leçons de choses » ; et surtout sur l’obéissance au maître. Les familles partageaient ces valeurs.

Nous faisions notre métier d’écoliers, gravement, laborieusement. Quand on avait la chance de pouvoir être en phase avec les attentes de l’école, tout allait bien. On était reconnu en tant qu’écolier, certes attaché, comme dans la peau du chien, de la fable du loup et du chien ... et non en tant qu’individu !

Quid du mauvais élève ? et Quid du bon élève qui a aussi des choses personnelles à dire, à créer, à exprimer ? Faute d’interlocuteurs valables et d’échanges organisés au sein de la classe, je vivais frustrée, recluse dans un monde intérieur, riche mais clos...

L’avis ni la vie des enfants n’était pris en compte par un système scolaire fonctionnant sur la parole doublement bridée et confisquée, -d’abord en tant qu’enfant-, puis en tant que fille, dès le collège, car avec la mixité, priorité aux garçons ...

A l’école de la République, j’ai donc « appris », passionnément et unilatéralement, en adhésion sociale mais en réalité sans mon accord (au sens ancien de pacte, d’harmonie entre les choses). Pour être complètement honnête, je dois évoquer quand même trois moments forts, où j’ai pu me sentir exister vraiment :
- les récréations où je pouvais, à titre exceptionnel, rester dans la classe déserte pour réaliser les tâches de confiance demandées par la maîtresse
- les rédactions, puis les dissertations, avec peu de retour, si ce n’était la note validant le bon ordonnancement du trio thèse antithèse, synthèse
- et enfin les leçons de morale du cours de CM2.

La leçon était amenée par une situation concrète à résoudre, et conduisait à un questionnement. Par exemple : « faut-il cacher la vérité pour ne pas faire de peine ? ». On écoutait, (on pensait, j’en suis certaine !), puis on copiait la « bonne » réponse dans le cahier.

La réalité scolaire présentée en formation professionnelle initiale

Ce n’est pas la vocation qui m’a amenée à entrer à l’Education Nationale. Je n’ai pas choisi délibérément d’être institutrice. Ce n’était pas mon rêve, mais ainsi va la vie ...

A l’Ecole Normale, j’ai fait naïvement trois découvertes, que je vous livre :

1ère idée : « Les élèves sont aussi des enfants, c’est-à-dire des êtres entiers, des êtres d’expression, capables d’initiatives, des humains en devenir ». J’ai découvert, en stage en classe Freinet, le statut d’élève sujet. Et j’ai pu constater, de visu, l’importance du relationnel, de la coopération, de la recherche menée ensemble, du désir d’autonomie, de la responsabilité individuelle et collective ....

2ème idée  : « Un support pédagogique, suffisamment porteur de vie, est accepté de tous, et parle à tous. Le recours à des objets ou des activités transitionnels (marionnettes, animaux, danse, contes...) rend vivante la situation d’apprentissage. Vivante et vraie, parce qu’elle se trouve reliée à la culture, aux connaissances universelles qui siègent d’abord à l’extérieur de l’école avant de devenir parcelles de programme [1]. » Ainsi, « le maître peut utiliser différents dispositifs, et choisir -selon ses objectifs-, d’être en retrait ». J’ai découvert les notions de motivation, de médiation. J’ai vérifié mon intuition : faire classe, c’est réfléchir à la posture de l’enseignant, regarder ailleurs, et le plus largement possible, en tant que citoyen, pédagogue et être humain.

3ème idée : « Une blessure narcissique, infligée par l’école, réactive le besoin de reconnaissance et entrave les apprentissages ». Pour avoir été reléguée au fond du cours de musique pendant la durée de ma formation, je peux dire que cela m’a permis de vivre de l’intérieur le sentiment d’exclusion du groupe, et de remettre en cause sérieusement la confiance illimitée que je portais à l’Enseignant. J’étais enfin une mauvaise élève, révoltée ! [2] Avec une perplexité : enseigner, oui, mais qu’est-ce que la pédagogie si elle laisse de côté ceux qui ne sont pas « doués ».

Ma pratique spontanée

Le terrain

Je me suis située d’emblée dans la posture de « chercheuse », forte du défi de donner envie d’apprendre, de faciliter pour tous la transition entre la famille et l’école, entre l’école et l’universel, considérant les enfants de la classe comme « porteurs-dépositaires-transmetteurs-créateurs » des connaissances passées et futures de notre espèce. J’ai alors choisi durablement la maternelle, et notamment la grande section, pour être libre de tracer mon propre chemin pédagogique et approfondir ce qui pour moi reste un mystère : l’enracinement et la croissance de processus d’apprentissage vivants, dans l’expérience de vie de chacun. En effet, mon bagage pré-professionnel sur la maternelle étant léger, me restait une détermination : je savais ce que je ne voulais pas et j’étais consciente à la fois de mes limites et des manques de l’école. Plusieurs dispositifs se sont imposés à moi, peu à peu, avant que je puisse en comprendre le sens profond. J’étais encouragée par les résultats observés chez les élèves. Ma motivation pour ce métier, en a été fortement accrue. Il est certain que le fait de m’impliquer spersonnellement dans ces situations pédagogiques a été un facteur de réussite.

Les dispositifs

Ils sont apparus dans un ordre logique, dont j’ai ensuite essayé de comprendre la cohérence.

1ère médiation : l’objet transitionnel collectif

Celui-ci vise à faciliter le passage de la famille à l’école et l’entrée dans le groupe. « Titou » est un pantin particulier, fils des marottes en vogue à l’Ecole Normale. Il a pour ancêtres les grandes figures symboliques qui, de par le monde, intercèdent entre le visible et l’invisible : objets fétiches, initiatiques, rituels, et mythiques. Il est construit par le groupe, jour après jour rempli de ce qui vient de la maison. Il appartient à la classe, à tous, devenant l’emblème totémique du groupe. Il leur transmet mon désir explicite de croissance et de développement. Il est l’interlocuteur de confiance, le confident disponible, toujours là, qui ne blesse pas, qui ne juge pas. Chacun peut vivre sans danger avec lui toute la gamme des émotions (colère, chagrin ... ), et expérimenter des rôles divers (identification, projection ...), et cela, seul ou à plusieurs.

J’utilise cet auxiliaire à des fins explicitement pédagogiques (jeu du voyage aux pays des sons, entrée dans le monde de la lecture puisque ce pantin est le héros d’albums).

La 2ème médiation : le cadre »suffisamment bon »

Le pantin représente le plaisir de faire ensemble. Mais très vite, grâce à lui, -bouc émissaire idéal, victime fragile-, la classe vit des débordements. Des situations qui peuvent passer inaperçues entre enfants deviennent ici tragiques : déchirements (au sens propre), conflits, injustices ... D’où une relecture spontanée, nécessaire des règles de vie de la classe par les enfants, et leurs initiatives pour protéger le droit des plus faibles. Les règles de vie s’élaborent en commun, dans le dialogue. Sont approchées les notions de limites, de danger (apprendre à dire non ...), de règles, de loi ... dans les différents lieux -ou situations- de parole (le « qu’est-ce qui se passe ? », le « quoi de neuf ? », le bilan hebdomadaire, le courrier, les métiers...).

Les enfants peuvent repérer leurs émotions, au fur et à mesure et concrètement, et rencontrer l’expression de valeurs (respect, effort, entraide ...).

3ème médiation : un projet pédagogique centré sur la croissance, l’album-photos intitulé « je grandis »

Il correspond à un encouragement implicite et explicite à grandir, s’appuyant sur la fabrication d’un album photos personnel. Ce travail facilite le passage du moi au sujet (« qui suis-je ? »). Il permet à chacun de visualiser, vivre et comprendre la notion de progrès, et de transformer sa représentation identitaire,familiale et intime. Chacun est invité à s’approprier son histoire personnelle, en lien avec l’histoire de sa famille, preuves à l’appui, et à découvrir l’histoire plus générale des humains. Chacun pourra inscrire son nom, pour soi, dans le tissu social de l’école, justement à ce moment particulier qui est l’entrée dans le monde de l’écrit.

Ce travail est fondé sur la nécessité de la prise en compte à l’Ecole de la construction identitaire du sujet, construction en chantier permanent ...

La 4ème médiation : l’Atelier-Philosophie

Un jour il est devenu nécessaire ! Pourtant les dispositifs cités, apportant aide aux personnes et au groupe, couvrent la plupart des besoins de l’enfant à l’école. En effet le profil de cette « classe-laboratoire » est celui d’une classe :
- centrée sur l’action, sur la production (réalisations concrètes, projets, expériences ...)
- centrée sur la parole, pour construire de la relation (règles de vie de classe, spectacles offerts, jeux de coopération, ...)
- centrée sur la personne (autonomie des élèves, construction identitaire, initiatives ...), et de plus la personne apprenante.

Dans cette logique, pour que l’enfant se construise à l’école, et donc construise des savoirs, il faut en même temps qu’il puisse, là où il en est :
- avoir confiance dans l’école, c’est-à-dire être accueilli à tout moment, même quand l’enseignant et l’Atsem ne sont pas disponibles : il y a toujours Titou
- être rassuré par un espace où il est respecté, physiquement et en tant qu’individu : règles de vie
- être reconnu, pour accepter d’entrer dans le symbolique par le bout de son histoire à lui : s’inscrire dans sa lignée familiale avant de tracer des lignes dans le cahier et d’écrire dessus ... Et les parents étaient surpris de ce regard à multi facettes porté sur leurs enfants.

Alors, que manquait-il ? Il restait à gagner l’espace de la pensée consciemment en train de se construire, la dimension universelle, revendiquée de l’humanisation.

Des questions sur mon cheminement

Pourquoi de tels dispositifs ?

Ils sont liés à mon histoire, à un moment de ma carrière professionnelle, à l’histoire de l’école et à celle des courants de pensée qui animent la société. Lors d’une inspection, Mr Alain Durand, IEN, a porté un regard curieux sur la classe et m’a interrogé sur les fondements de ma pratique. J’étais à court de discours. Comme vous l’avez compris, c’est l’expérimentation sur le terrain, c’est l’observation des enfants et des phénomènes, et ce sont mes valeurs en tant qu’individu, qui m’ont inspirée, et peu, je l’avoue, les lectures théoriques.

Voici ce que je lui ai livré :

Quelle est ma conception de la posture de l’enseignant ?

Elle est issue de l’observation des écarts entre le comportement des enfants dans leur métier d’élèves, et celui des élèves (évalués). Ces aller et retour innombrables, et les ajustements pédagogiques qui en découlent travaillent sur l’enseignant lui-même, s’il en est conscient : hypothèses sur les dysfonctionnements, les malaises, les ratés ...

Un jour est venu où j’ai pu accepter qu’un enfant ne fasse rien, et où j’ai pu accepter l’idée que c’est l’enfant, seul, qui décide s’il veut apprendre, quelles que soient ma volonté, ma détermination et mes compétences professionnelles.

Un jour est venu où j’ai appris la patience, et la confiance systématiques -dans l’enfant, et dans le long terme-, pour qu’il ait le courage, l’envie et la possibilité d’apprendre.

Un jour est venu où j’ai appris à être responsable de situations d’apprentissage sans être pour autant au centre du dispositif, et donc à naviguer, à me placer, quand cela est nécessaire, en retrait, de façon bienveillante et explicite. Je partage ainsi la fonction d’apprentissage sans culpabilité aucune, et ce avec Titou,, avec les autres élèves de la classe, avec des plus grands, avec d’autres personnes, ... et avec la plus grande joie quand la classe fonctionne toute seule !

Quelle est la réalité humaine des élèves ?

Elle est fugitive, entre le rêve de l’élève idéal et l’hétérogénéité du groupe où les enfants sont « tous pareils, tous différents » [3] Sait-on vraiment comment les élèves apprennent ? Comment se structure leur pensée ? Quelles représentations du monde ils ont ? Et quel sens ils donnent aux savoirs ? Observons leurs besoins sur le terrain :
- Besoin d’une place à eux : Léo, enfant redoublant, terne, mais soudain passionné par une nouvelle activité où il réussit. Il se transforme et se met à écrire des textes de lui-même, il est devenu le poète ! Ou Paula : « Avec maman, je prends mon doudou, mais à l’école je suis grande ».
- Besoin de dire : Carlos est un enfant primo arrivant, de 5 ans. Sa famille est réfugiée en France. Il raconte des souvenirs lourds à partager (mitraillettes, morts, ...). La classe est sidérée par ses récits qui fusent n’importe quand, flot d’images portées par des mots qui se cherchent en français ...
- Besoin de savoir : Jean est pressé, il apprend à lire seul, il a soif d’apprendre dans les livres de la classe ce qu’on lui cache dans sa famille (comment on fait des bébés ? ...)
- Besoin d’exister : Julio, enfant des rues en Colombie, adopté ici, invente la relation aux autres en poussant obstinément de petits cris. Alfredo, lui, se recroqueville pour cacher sa honte d’être négligé par une mère battue ... et il cogne.
- Besoin de grandir : Il est visible, lisible, entre autres, dans les dessins dits « du bonhomme », échelonnés sur toute l’année, mais aussi en amont et en aval. C’est comme si l’évolution psychogénétique de chaque enfant retraçait l’histoire de l’humanité en général.
- Besoin de se repérer : Les situations familiales hétérogènes, les vécus personnels, sont aussi les reflets d’une époque qui s’invente ... Par exemple, quel mot pour désigner le « presque demi frère mais pas vraiment » ?
- Besoin de comprendre la vie autour de soi : C’est le besoin de questionner la vie telle qu’elle est, la vie dont on a écho en classe. Ces questions jaillissent n’importe où, n’importe quand. « C’est bizarre la vie, qui est-ce qui nous apprend à être des humains ? Tu vas mourir bientôt ? Pourquoi papa n’est plus là ? Est-ce que ça existe les dragons ? Comment on s’arrête de faire pipi au lit ? Pourquoi il y a la guerre ? Pourquoi il faut apprendre ? Pourquoi on vit ?  » .

Les élèves n’en sont pas tous au même point. Dans cet inventaire non exhaustif des besoins de l’enfant à l’école, certains sont comblés par les dispositifs cités plus haut, mais pas tous ! Précisons, sachant que les besoins se chevauchent et se cumulent :
- un problème familial ou autre peut déstabiliser l’enfant, et le faire régresser ;
- certains enfants vivent déjà bien leur affectivité : accompagnés de souhaits de leur famille, ils sont rassurés et n’ont pas vraiment besoin de Titou
- certains connaissent déjà la nature des liens familiaux, ont accès au symbolique. Ils n’ont pas vraiment besoin de l’album photos pour savoir qui ils sont et ce que grandir signifie. Ils ont renoncé à leur toute puissance, acceptant d’être un parmi les autres. Ils sont entrés dans le social et sont de plain-pied dans le travail d’élaboration des règles. Ils tiennent leur rôle dans la classe ;
- certains sont déjà dans un processus d’acquisition des savoirs, dans une curiosité intellectuelle et ils posent des questions.

Que faire de ces questions ?

Qu’est-ce que la philosophie a à faire avec la pédagogie ?

Je suis perplexe. Comme tout enseignant d’ailleurs. Comment entendre les questions des élèves -scientifiques, techniques, métaphysiques ...- sans réagir ? Légitimement embarrassé, l’enseignant peut essayer de répondre, bien sûr, s’il se sent capable, et ainsi combler momentanément cette curiosité. Mais à long terme, et dans une perspective d’apprentissage, de compréhension, de cheminement de la pensée, que faire pour valoriser ce désir de comprendre ? pour répondre à cet élan ?

Que faire pour permettre à l’élève de se défaire de l’étiquette d’ infans -celui qui ne parle pas- alors qu’il a des choses à dire, pour être, pour vivre sa vie ?

Que faire pour lui permettre de distinguer les expressions mêlées de sa pensée (images, émotions, opinions, pensées rationnelles, ...) ?

Que faire pour favoriser l’accès à une pensée personnelle, critique au sein du groupe classe, sans pour autant faire mûrir précocement ces enfants ?

Que faire surtout pour permettre de regarder les mystères de la vie ?

Ne sommes -nous pas tous aussi démunis qu’Epicure : « Si nous n’avions point de soupçons fâcheux à la vue de ce qu se passe dans le ciel, ni d’inquiétudes sur la mort, et que nous connussions les limites du besoin et de la douleur, la Philosophie nous serait entièrement inutile. »

L’Atelier-Philosophie

Des influences

Les idées que Jacques Lévine a exposées lors d’une conférence pédagogique à Lyon, font leur chemin : Accompagnement interne, Langage oral interne, Ecole des 4 langages, etc...[4] Elles résonnent (raisonnent) en écho avec ma pratique. Nous nous sommes donc rencontrés en 1996, et je lui ai parlé de mon projet d’inventer un dispositif nouveau qui pourrait prendre en compte les questions « larges » des enfants.

Renseignements pris, l’enseignement de la « philosophie pour enfants » de M. Lipman, est lié à un contexte trop particulier et ignore justement ce qui nous intéresse : les questions des enfants. Nous avions la certitude qu’ils n’ont pas besoin des réponses, mais d’un lieu spécifique de dialogue où poser leurs questions, où réfléchir tranquillement, et où oser parler de choses qui les dépassent. D’un lieu où tous seront intelligents, un lieu qui ne sera pas d’esprit scolaire, mais pourtant à l’école.

Ensemble, reliant projet et hypothèses, pratique et théorie, nous avons co-fondé cette pratique spécifique, élaborant et testant un protocole. Celui-ci a ensuite été proposé, par l’intermédiaire de Dominique Sénore, alors IEN, à un groupe d’enseignants favorables à l’expérimentation dans leur classe.

Le comité de pilotage était né, et cette équipe initiale a permis d’analyser et de comprendre un peu mieux ce qui se passe quand les élèves pensent par eux-mêmes et élaborent une parole authentique (authentique là où ils en sont), pour construire le monde de demain. Car tel est l’enjeu de l’Atelier-Philosophie.

Les fondements de cette pratique de philosophie « entre enfants » -plutôt que pour enfants-, ont été posés. Ils ont fait l’objet de publications diverses. L’enseignant, fort de son engagement et de la théorie posée, respecte en premier lieu le fait que la parole des enfants ne soit pas bridée. Pour cela il accepte de rester silencieux dans le premier temps. C’est pour lui le plus difficile. Alors la parole peut circuler.

L’intitulé d’origine « l’Atelier-Philosophie, une communauté de chercheurs philosophes de la maternelle au collège » a été complété par l’expression : « Courant des préalables à la pensée philosophique ».

Du positionnement par rapport à d’autres pratiques

Son objectif ne vise pas la maîtrise de la langue. Son objectif ne vise pas l’entrée dans un système social, ni l’apprentissage de la citoyenneté. Son objectif ne vise pas une meilleure gestion du groupe, ou un meilleur « rendement ».

Son objectif se réfère à des valeurs humanistes, à une conception du rôle de l’école, pépinière d’individus responsables de leur pensée et de leur parole, responsables d’eux-mêmes et responsables de la société qu’ils vont construire demain, qu’ils construisent déjà dans leur tête, pour vivre bien, pour vivre mieux.

Ainsi pourrait être ma conclusion, si je ne devais ajouter qu’aucun des dispositifs auquel j’ai œuvré, n’est une fin en soi, et que l’Atelier-Philosophie dans la démarche qu’il représente, n’est qu’une ouverture, mais absolument nécessaire, dans la quête du sens à et de l’Ecole ...

Protocole et fondements

Concrètement, le dispositif prévoit 2 temps distincts devant les élèves, temps réguliers et ritualisés :

- Le premier temps est celui de la découverte et de l’expérience du cogito (= prise de conscience de sa pensée propre) et il dure 10 mn -10 mn de recherche commune entre pairs, pendant lesquelles le maître adopte une posture spécifique-. Celui-ci est garant du cadre, il accompagne le groupe, en restant bienveillant et silencieux (c’est la condition sine qua non de la pratique). Ce temps est enregistré. Exemple de question proposée par les élèves (qui les déposent dans un carnet) : « Quand on grandit, est-ce qu’on reste pareil ou est-ce qu’on change ? »

- Le deuxième temps, de 10 mn également, -juste après ou en différé-, est celui de la réécoute et des réactions. Les échanges sont facilités par le maître, qui intervient parcimonieusement.


Notes

[1] Idée que Michel Develay explicite dans Donner du sens à l’école ESF 1996

[2] Tout enseignant devrait se confronter régulièrement à de nouvelles situations d’apprentissage -skate, violoncelle ou dentelle à l’aiguille !!!- pour vivre un chemin d’échecs, de doutes, d’élans et de découragement menant à la maîtrise ... ou à l’abandon .

[3] pour reprendre le titre d’une superbe exposition au Muséum National d’histoire naturelle, Paris, 1992

[4] Jacques Lévine est psychanalyste, fondateur de l’Association des Groupes de Soutien au Soutien (AGSAS), et de la revue Je est un autre, rencontres pédagogie-psychanalyse pour la formation aux relations de médiation, où l’on trouve un grand nombre d’articles fondamentaux. Consulter également l’ouvrage Je est un autre, pour un dialogue pédagogie-psychanalyse, Jacques Lévine, Jeanne Moll, ESF 2001. http://agsas.free.fr/


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