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Jean-Marc Juret : Oser la philosophie avec les élèves en difficulté.

Directeur de SEGPA - Collège Trémolières - 49300 Cholet - Juin 2003
Publié le jeudi 5 juillet 2007.


Une rencontre fortuite.

Un jour de novembre 1997, pendant les journées pédagogie Freinet à Nantes, je fis la connaissance, en tant qu’auditeur de Jacques Lévine. Je fus particulièrement intéressé quand il aborda le thème de la philosophie pour enfants et évoqua les expérimentations qui se pratiquaient autour de Lyon dans son équipe avec Agnès Pautard et quelques autres en maternelle.

Après son intervention, je voulus lui parler. Mais je n’étais pas le seul et y renonçais, riche des informations qu’il nous avait transmises. En fait peu sur la pratique en elle-même mais beaucoup sur l’importance de ce genre de pratique avec des élèves. Si on pouvait faire philosopher des élèves de maternelles, il m’apparut évident qu’on pouvait pratiquer la même expérience avec les élèves de SEGPA .

A partir de ce jour, je me sentis autorisé à faire de la philosophie avec les adolescents de SEGPA.

Autorisé est un bien grand mot. Qu’est-ce qui légitime l’introduction de la philosophie avant la terminale ? J’avais suivi en son temps les activités du GREPH avec intérêt, avant même que je sois enseignant. Mais je n’avais aucune qualification officielle pour enseigner la philosophie. Mais après tout, j’en avais bien une pour enseigner les mathématiques et le français sans avoir ni agrégation ni CAPES !

Je préparais mon CAPSAIS[1]. Le lendemain de l’intervention de Jacques Lévine, tout s’est accéléré... Je me présente chez le responsable de la formation AIS[2] et je lui soumets l’idée d’un mémoire sur la pratique de la philosophie en classe de SEGPA. Celui-ci réfléchit quelques secondes avant de me répondre. Il est lui-même professeur de philosophie et je l’imagine cherchant ce qu’on peut bien faire de philosophique avec les élèves de SEGPA. C’est à peu près ce qu’il me dit d’ailleurs mais ne me décourage pas. Va donc pour un mémoire professionnel !

C’est ainsi, que sans plus de contact avec quiconque je me lance dans l’aventure. Une classe de quatrième me servira de champ d’expérimentation. Une classe entière, comme pour corser le tout. Je me lance sans top en parler autour de moi, car je ressens l’incrédulité chez la plupart de mes interlocuteurs et toujours la même remarque qui m’amène à douter ce que je fais : « oui, mais ce n’est pas de la vraie philosophie » !

Maintenant, quand des enseignants me demandent des renseignements soit au cours de discussions informelles ou de rencontres pédagogiques, je leur dis qu’ils ont bien de la chance car le terrain est bien débroussaillé. On voit apparaître un appareil théorique qui permet de comprendre ce qu’est une discussion à visée philosophique, ce qui s’y joue. On sait qu’on n’est plus seul à tenter ce genre de pratique et que l’institution à travers quelques inspecteurs commence à s’y intéresser.

Avec les élèves, cela n’a pas été du tout compliqué à mettre en place. Un jour, je leur ai dit que j’allais me livrer avec eux à une expérience pour mon travail, que nous allions faire de la « philosophie ». Certains avaient entendu le mot, personne n’était capable de définir ce que c’était. J’ai présenté le côté gratifiant, que c’est une matière pratiquée par les élèves de terminale, que je faisais confiance à leur capacité de réfléchir tous ensemble... Je ne me souviens plus par quelle séance nous avons commencé. Je crois que j’ai pris appui sur un texte, pour voir. Au départ, peu ont osé parlé puis au fur et à mesure, j’arrivais par différentes techniques à faire en sorte que chacun ait pu parler au moins une fois pendant l’heure.

Pour la première fois je faisais des « séances » de philosophie. Il est vrai que j’ai une formation de base de philosophe : un DEUG. qui s’ est suivi d’une année en licence que je n’ai pas fait valider parce que je ne trouvais plus, avec les professeurs de philosophie de l’université, d’intérêt à cette matière.

Un jour, après avoir placardé un prétentieux manifeste en face de la salle où se réunissaient les professeurs qui devaient être en conseil pour préparer l’élection du nouveau responsable de la section, je demandais qu’on dépoussière cet enseignement, qu’on sauve la philosophie... je ne remis plus les pieds à la fac !

Ce que je reprochai, à l’enseignement c’est de ne pas m’apporter grand chose sur le plan personnel, c’est exactement le contraire de ce que j’essaie de faire maintenant à travers ce que je propose aux élèves.

Généalogie d’une pratique.

Dans le chemin qui m’a conduit à enseigner à des collégiens, puis à des primaires pour enfin me placer en face des élèves en difficulté scolaire, il y a la profonde conviction que l’accès au sens, à la rationalité est possible pour tous. Non seulement c’est une possibilité, mais c’est notre mission essentielle à nous les enseignants.

C’est ainsi que bien avant de me lancer dans des séances dites de philosophie, dans une classe rurale à trois niveaux, je me suis préoccupé de l’accès à la définition et au concept. Je me suis « fait la main » en m’appliquant sur de courtes séquences en employant la méthode mise au point par Britt Marie Bart[3] sur l’acquisition de concept. J’ai toujours eu une oreille attentive et bienveillante envers la grammaire de la phrase et l’utilisation des connecteurs logiques : faire en sorte, mais sans être trop radical pour autant, d’attirer l’attention sur les erreurs logiques dans l’expression. Mais aussi engager les élèves à développer leur argumentation, à faire appel au groupe pour avancer dans une recherche.

Cela m’a amené à travailler la gestion de groupe à l’occasion d’un fonctionnement en classe coopérative OCCE,[4] à prendre régulièrement du temps pour régler les problèmes de la vie quotidienne, tant sur le plan de la gestion des problèmes organisationnels -nous avons ainsi géré ensemble un gros budget, pour réaliser une classe métier d’arts- que sur le plan de la régulation de problèmes relationnels.

Dans ma pratique il y avait déjà les prémisses de ce qui deviendra une discussion à vocation philosophique. Les différents aspects, à savoir le travail sur la langue, le travail sur la logique et l’organisation de la classe sous forme démocratique. Si les volets travail sur la langue orale et respect des critères logiques étaient diffus à travers toute ma pratique pédagogique, la pratique institutionnelle était plus marquée, généralement par les séances du samedi matin.

Nous étions encore loin de la philosophie, au sens où je n’ai pas eu l’idée à l’époque de susciter le débat autour de questions ni de faire développer des concepts plus abstraits. Le travail autour des concepts se bornait à des concepts à vocation didactique, utiles pour l’apprentissage. Il m’arrivait de faire des digressions, comme l’aurait fait un professeur de philosophie en apportant moi-même la réponse à des questions que je formulais. Le seul soucis que j’avais était de faire en sorte de donner du sens à l’école, peut-être pas assez de donner l’accès au sens, mais plutôt naïvement d’apporter les éléments pour que les enfants, par un discours qui leur était extérieur, comprennent l’intérêt de ce qu’ils faisaient. Une morale déguisée en quelque sorte.

L’organisation des séances.

Dans ma première approche de ce que je tentais en troisième SEGPA j’ai assez vite trouvé une ligne qui me convenait. Le travail à partir d’une question que je formulais moi-même. Elle faisait référence à une problématique soulevée en cours ( Peut-on se passer de l’école ? ). D’autres questions étaient construites en faisant référence à des étapes de réflexion concernant l’orientation ( Y-a-il une place pour chacun de nous dans la société ?). Naturellement la dérive civique nous entraîne bien souvent vers des questions de vie sociale (la raison du plus fort est-elle la meilleure ?). Mais de temps en tant je m’inspire de question philosophique sans arrière pensée utilitariste ( Sans la mémoire, que serions-nous ?)

Ce qui ce passe dans les premières séances de discussion m’encourage à poursuivre. Je n’ai pas l‘impression de faire fausse route ni du point de vue de la philosophie, ni du point de vue pédagogique. Je sens qu’il se passe quelque chose. Les élèves, même ceux qui restent sur la réserve, ne tentent pas de désorganiser les séances. Au contraire, je fais sans doute preuve de plus de rigueur que d’habitude en ce qui concerne les prises de parole, l’obligation de répondre à celui qui vient de s’exprimer, ma mise en retrait et la validation de ce qui a été dit par le groupe. Peu à peu je développe des règles en ce qui concerne la circulation de la parole, et des techniques pour faire en sorte que tout le monde s’exprime.

La séance philosophique s’organise d’elle-même. A partir de la question. Je pense que l’exigence de rationalité porte en lui-même l’organisation de la discussion. A savoir, c’est la leçon de philosophie classique qui me l’a appris, le travail à partir de la problématique oblige à s’intéresser à ce qui est en jeu. Il va y avoir un sujet et un hors sujet implicite à l’intérieur du débat. Le premier travail va consister à définir le champ de la discussion. Il faut faire émerger par le groupe ce qui va être l’objet de la discussion. Sans doute, à la différence d’une séance classique, l’animateur ne sait pas exactement comment va s’articuler le débat, même si une problématique, en tant qu’ « objet » de rationalité, porte en elle-même sur un champ prévisible. Nous ne nous plaçons pas dans le guidage mais dans l’élaboration collective par la communauté de recherche. Jean-Charles Pettier me dira plus tard non sans raison que je n’expérimente guère en dehors de la communauté de recherche. Mais cette exclusivité, comme je l’ai souligné, prend sa source dans une croyance pédagogique plus que philosophique. Ma réflexion à l’époque devait être conforme à un mémoire professionnel !

Parallèlement à l’élucidation du champ du débat, on se heurte concomitamment aux définitions. Il n’y a pas de priorité. Souvent les élèves de SEGPA s’attachent aux mots qui masquent le sens global. Tout le travail d’élucidation consiste à faire émerger le sens. Le présupposé qui m’anime est que la ressource se trouve forcément dans la communauté, soit sous forme de connaissance, soit sous forme de méthodologie. ( Allons à quel mot cela vous fait penser ? Synonyme, homonyme, antonyme, champ lexical.... ?). Il y a donc dans une séance beaucoup de digressions apparentes. L’activité de français, quand elle répond à une exigence autre que l’étude de la langue est utile à la philosophie. Rien n’échappe à la philosophie, ni l’étude de la langue, ni le récit d’un événement. Reste à trouver ce qui fait le fil conducteur. Les digressions d’ordre stratégiques de l’animateur sont plutôt centripètes tandis que celles des élèves plutôt centrifuges. L’animateur va offrir des situations de détour pour faire avancer le débat tandis que les élèves ont du mal à rester centrés. Involontairement ils proposent des analyses qui éloignent, ou volontairement ils sapent le travail en cours !

C’est sans doute ici que se situent les limites de la communauté de recherche. Le vrai pouvoir appartient à l’animateur. C’est une fausse communauté et c’est sans doute pourquoi j’ai toujours pris soin de ne jamais m’asseoir à côté des élèves. Il ne s’agit pas de conserver le pouvoir, mais de ne pas tromper. Cela n’empêche pas de veiller à apporter le moins possible par soi même en matière de contribution et surtout à ne jamais valider les propositions. C’est ainsi que la réflexion avec Pierre Madiot[5], dont je suivais les cours sur la pédagogie institutionnelle, m’a permis de réfléchir à ma position géographique dans la classe et surtout à la circulation de la parole. Le problème doit se poser à l’identique j’imagine dans un café philo. A qui parle-ton ? A qui donne-t-on le pouvoir de valider ce qu’on dit en tant qu’intervenant ou élève ? La tendance est de parler à l’animateur. Le fait de s’asseoir dans le cercle des débattants masque à mon avis cet aspect.. Ce n’est pas parce qu’on est dans le cercle des débattants que la parole est accueillie et réutilisée par les débattants.

Une série de rencontres.

Parallèlement à ce travail je commence à rédiger mon mémoire professionnel. Je me heurte très vite au vide apparent qui existe dans la littérature pédagogique dans ce domaine. Il faut dire qu’en 1997, je ne suis pas encore un familier d’Internet qui apparaît dans mon établissement et les sites ne sont pas particulièrement développés. Par hasard, un stand de la librairie québécoise dans mon établissement me permet de trouver le livre de Marie-France Daniel[6]. Je le lis avec intérêt mais je n’ai pas l’impression de trouver des réponses aux questions que je me pose. Que faire avec des adolescents ? Suis-je sur la bonne voie. Grâce à elle , je fais la découverte de Lipman[7] et de Dewey. Je commence par lire Dewey chez qui je trouve les mêmes fondements humanitaires et démocratiques que ceux qui me motivent . Lipman ne me permet pas de modifier ce que je fais. Par contre il me renforce dans l’idée d’une approche quasi logicienne de la philosophie et m’attire pendant un temps plus versus « comment penser ? » que versus « que penser ? ». C’est ainsi que parallèlement je développe un atelier d’ARL[9] avec les mêmes élèves. Mais je ne suis guère convaincu. Je trouve les ARL trop détachées de tout contenu. Sans doute que je les applique mal, mais je trouve cette pratique bien fade comparée à ce que je pense pouvoir apporter aux élèves travers les séances de philosophie.

Je cherche rapidement un des ses romans ( Kio et Augustine) mais le sujet est bien éloigné des centres d’intérêts des élèves de SEGPA. De plus ce genre d’approche oblige à garder plusieurs fils à la fois : celui du roman et celui des discussions philosophiques qui peuvent se dérouler sur plusieurs séances. Cela multiplie par deux les difficultés.

A la même époque ( nous sommes en mai 98) je m’essaie sur Internet. A la rubrique Philo, je tombe sur le site de l’Incendiaire de Jean-François Chazerans. Je rentre en contact avec lui et lui explique ce que je fais. Il semble enthousiaste et m’invite à contacter la fondation 93 (Pablo Carrion) et Michel Tozzi. Il m’invite à écrire un article pour l’Agora[10].

Mon mémoire est terminé et je demande à Pierre Madiot, formateur à l’IUFM mais aussi collaborateur aux cahiers pédagogiques[11], de faire une lecture de mon travail. (Je n’ai pas voulu demander à un prof de philo de l’IUFM, de crainte de ne pas être compris, j’ai préféré m’adresser à un spécialiste de la pédagogie institutionnelle). Pierre en fait une lecture amicale et me demande un exemplaire de mon travail pour le donner à Michel Tozzi. Peu de temps après je suis contacté par Jean-Charles Pettier. Michel Tozzi lui a transmis mon mémoire. Jean-Charles travaille à la rédaction de sa thèse et il est beaucoup plus avancé que moi dans la réflexion. Jean-Charles prend le temps d’analyser mon document et m’en propose une lecture critique dans un court document qu’il m’adresse. Il me demande d’utiliser quelques comptes rendus de séances pour un stage de formation au GFEN. Le retour est positif, car la conclusion du groupe est que je pratique de la vraie philo ! Plus tard, Jean-Charles m’envoie un extrait de sa thèse pour que je le lise avec attention. Quand je vois les noms de Galichet, de Tozzi tous universitaires et moi, mis au même rang je commence littéralement à m’inquiéter. N’est-on pas en train de me prendre pour ce que je ne suis pas ? Lâchement, je prends mes distances avec ce qui m’apparaît pas fait pour moi. Je prépare activement l’épreuve pratique de mon diplôme et je suis dans une période de doute. Ai-je bien raison de continuer ? Autour de moi c’est le silence radio total. Jamais ma hiérarchie ne s’intéresse à ce que je fais. Ni mon inspecteur, ni mon responsable de SEGPA On me rapporte même un épisode amusant. Mon inspecteur lors d’une conférence évoque « à Paris » (c’est toujours mieux la capitale) « on fait même de la philosophie en classe de SEGPA » !

De plus je suis engagé dans la vie associative et je suis président d’une association employant du personnel. J’ai deux casquettes, enseignant et responsable d’entreprise. Je n’ai pas beaucoup de temps à consacrer à la recherche. Surtout avec le recul, je m’aperçois que je n’ai pas du tout compris à l’époque que mon travail pouvait avoir un intérêt.

Je continue malgré tout à pratiquer la discussion philosophique avec les élèves. Jean-Charles Pettier me fait appel plusieurs fois pour que j’enregistre des séances. Au départ le micro suspendu fausse complètement l’activité. Puis peu à peu je m’en sers comme bâton de parole. L’effet est spectaculaire, les langues se délient mais j’ai l’impression de me retrouver sur un plateau télévisé jusqu’au jour où un élève tire sur le fil et entraîne le super magnétophone coûteux du collège : irréparable ! L’expérience s’arrête là. La transcription des cassettes s’avère très longue et le projet n’aboutira pas. Mais Jean-Charles ne se décourage pas. Il me propose de produire un écrit pour analyser des séquences philosophiques. Cette fois-ci je réponds à temps à l’appel, mais le document ne sera pas publié !

Peu à peu je décroche parce que je me demande si je ne fais pas fausse route et ne devient pas mono-maniaque. Sans doute parce que je ne lis pas ce qui est publié dans ce domaine, j’ai l’impression que tout a été dit et que je n’ai rien de plus à apporter. Je ne me reconnais pas forcément dans le débat pour une autre approche de la philosophie.. Je suis plutôt du coté de la pédagogie et dans mon esprit la philosophie avec les élèves de SEGPA est une expérience pédagogique. Très vite, je ne peux pratiquer que sporadiquement car je suis appelé à exercer d’autres fonctions qui me laissent peu le loisir d’être en présence d’élèves. Je suis partagé entre les métiers de direction et la réflexion. Je ne me rends à aucun des colloques auxquels je suis invité ( Fondation 93, Rennes...).

Je continue malgré tout à prendre des notes lors de rares séances que j’organise et à réfléchir aux techniques possibles. Je suis les travaux dans l’Agora de temps en temps, je vois que la relève est assurée. Je suis toujours surpris quand j’aperçois en bibliographie mon mémoire. Je me demande si réellement les gens qui le citent l’ont lu. En fait, je n’en sais rien. L’été dernier, en parcourant sur une plage « l’éveil de la pensée réflexive à l’école primaire »[12]ouvrage trouvé par hasard dans une librairie de bord de mer, je prends conscience que j’avais, sans le savoir, exploré dans mon mémoire, sans vraiment les théoriser, beaucoup de pistes possibles en philosophie avec les jeunes.

Il y a peu de temps encore, Jean-François me retrouve et me demande de publier mon mémoire sur son site. Il me propose de décrire mon cheminement, ce que je vous lisez actuellement et de rejoindre le groupe de discussion sur Yahoo. Dans les mêmes temps, j’ai été contacté par l’inspection AIS de Nantes pour animer une journée pédagogique qui devait faire suite à une conférence de Michel Tozzi. Je me suis vu dans l’obligation de travailler à nouveau sur ce domaine et de produire une réflexion personnelle sur ma pratique. Cette animation m’a convaincu qu’il y avait encore du travail pour moi.

J’ai été surpris de constater comment des enseignants pouvaient être convaincus du bien fondé de cette pratique tout en n’ayant pas confiance dans leur raison pour mener à bien un débat philosophique. Ils ne s’autorisent pas à se lancer, comme si on devait leur apporter une recette pour réussir un débat philosophique. En tant que garant de la philocité du débat, pour reprendre un terme de Michel Tozzi, ils n’ont pas le choix, il n’y a pas de leçon possible pour réussir un débat : simplement se laisser guider et analyser au fur et à mesure ce qui se passe. Être garant de la rationalité, s’appuyer éventuellement sur quelques repères (argumenter, problématiser, conceptualiser), et toujours savoir à quel genre d’opération on a affaire.

L’autre danger qui guette l’enseignant qui se lance dans ce genre de pratique est d’être militant, de se placer dans un courant démocratique outrancier. Se « servir » de la philo pour ouvrir les yeux des élèves, en faire des citoyens....Le danger qui les guette est de s’égarer dans une pratique qui ne soit plus tout à fait philosophique, de s’éloigner de l’exigence de rationalité.

Entre les deux chemins, c’est sur une nouvelle approche pédagogique qu’il faut s’appuyer. La démarche de Michel Tozzi m’intéresse à ce titre. Si je suis d’accord avec Jean- François Chazerans, et je l’ai montré dans ce travail, que l’exigence de rationalité est elle-même pédagogie, je pense que l’articulation entre les deux domaines est nécessaire. C’est l’intentionnalité de transmettre, de faire faire, d’amener à penser qui justifie la réflexion pédagogique.


Notes

[1] CAPSAIS :certificat d’aptitude aux action pédagogiques spécialisées. (siglé aussi : CAAPSAIS).

[2] AIS : Adaptation et Intégration Scolaire. Les enseignants de classes spécialisées relève de l’AIS.

[3] Britt Marie Barth, l’apprentissage de l’abstraction à l’école. Retz

[4] OCCE Office, Central, de Coopération à l’Ecole. Structure coopérative qui permet légalement de mener des projets à l’école primaire, de posséder une caisse, d’assurer des sorties... pour en savoir plus www.OCCE.net

[5] Pierre Madiot a été à l’origine avec d’autres, notamment Conbendit, du Lycée expérimental de Saint Nazaire.

[6] La philosophie et les enfants, les modèles de Lipman et de Dewey. De Boeck et Belin

[7] Matew Lipman, A l’école de la pensée De Boeck, édition.

[8] ARL, atelier de raisonnement logique

[9] Cet article est paru dans le numéro 1

[10] Par la suite, il en sera directeur.

[11] Ressources formation, Hachette Éducation, coordonné par M. Tozzi


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