Tous nos débats ont eu lieu dans une classe de CE2 de l’école Eléonore, située dans une ZEP, avec l’accord et la présence du maître. Ce dernier, à la rentrée, a constaté un niveau faible en français, peu de compétences à l’oral, un vocabulaire assez pauvre et beaucoup de difficultés dans le respect de l’autre. Il a observé que ce sont presque toujours les mêmes élèves qui prennent la parole en classe. Un certain nombre, de faible niveau, n’interviennent jamais.
En outre, cette classe n’a jamais pratiqué la discussion philosophique et n’est pas habituée aux débats.
Nous avons expliqué aux enfants que nous allions être ensemble régulièrement pour faire des débats philosophiques, c’est-à-dire pour parler, réfléchir, échanger nos idées sur différents sujets. Nous leur avons précisé que nous étions en formation pour devenir « maîtresses » et que dans ce cadre nous faisions une étude sur la philosophie à l’école. Ils ont alors parfaitement compris la nécessité d’enregistrer les débats.
Si la régularité des séances ( toutes les deux semaines) n’a pas toujours pu être respectée, le jour et l’heure ( le jeudi matin, après la récréation) ainsi que la durée des débats (environ trente minutes) sont restés inchangés.
Il s’agit donc d’une activité prévue. Les enfants étant prévenus l’avant-veille du moment de philosophie, ils l’attendent avec impatience et accueillent chaleureusement les intervenants quand ils les croisent dans la cour.
De retour en classe après la récréation, les enfants peuvent lire au tableau « PHILOSOPHIE » écrit en lettres capitales ainsi que la question sur laquelle va porter la réflexion.
Les dispositions matérielles ont été modifiées après le premier débat. En effet, la disposition des tables en demi-cercle dans la salle de classe s’est révélée insatisfaisante, car elle éloignait trop les élèves les uns des autres, ce qui ne favorisait pas l’écoute mutuelle. La décision a alors été prise de séparer la classe en deux groupes hétérogènes, chacune de nous prenant en charge un groupe dans une salle isolée de la BCD. Ce changement complet d’environnement a été profitable. La répartition des élèves, en cercle, assis sur la moquette, permettait que chaque participant ait tous les autres dans son champ de vision.
Chacune de nous était, pour son groupe, à la fois présidente de séance (ouvrir et fermer le débat, distribuer la parole) et animatrice-synthétiseur (relances, reformulations, synthèses régulières). En revanche, nous nous interdisions de participer au débat et de donner en aucun cas notre avis.
Des règles explicites ont été édictées : « Je ne me moque pas », « J’écoute celui qui parle », « Je demande la parole en levant la main et ne parle que si je tiens le bâton de parole ».
Une minute de silence est observée avant chaque débat pour permettre à chacun d’entrer en réflexion.
Ce dispositif, vécu par les enfants comme un rituel annonçant le débat philosophique, facilite un retour au calme après la récréation et une meilleure concentration des enfants.
Très vite, nous avons instauré une boîte à questions philosophiques, présente en permanence dans la classe, et où les enfants pouvaient déposer à tout instant leurs propositions de sujets. Le dépouillement de celles-ci a été l’occasion de discuter de leur « qualité philosophique » ; beaucoup ont été rejetées comme ne relevant pas du débat philo.