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La philo dans ma classe de SEGPA par Philippe Pohin

Instituteur.
Publié le jeudi 5 juillet 2007.


Le besoin des élèves de SEGPA de mieux se connaître pour choisir leur future formation professionnelle, le comportement d’une bonne partie des jeunes de chaque classe, la nécessité pour ces élèves de devoir, à la fin de la 3ème, s’exprimer sur leurs stages, leurs connaissances en Vie Sociale et Professionnelle et leur orientation ont amené à répondre favorablement à l’expérience proposée par la Fondation 93 en 1998.

Trois objectifs ont été les bases de l’activité philosophique proposée aux élèves de la SEGPA Jean Moulin de Poitiers :
- Créer un climat de classe propice à l’interrogation permettant à chacun de repenser sa place dans le sens d’une appartenance universelle et par voie de conséquence dans le système scolaire ;
- Entraîner les élèves "à suspendre les explications toutes faites" pour leur apprendre à s’étonner et à se questionner, à ne pas juger "normal" tout ce qui les entoure comme si cela allait de soi ;
- Penser les constats comme points de départ en non comme point d’arrivée.

Des séances bilan ont eu lieu régulièrement pour évaluer cette activité, la plupart du temps pour préparer une rencontre avec des journalistes ou des personnalités intéressées par ce projet. Ces séances d’une heure par semaine animées par un professeur de philosophie ont permis d’après les élèves de :
- apprendre à parler à des adultes, à n’importe qui ; apprendre à avoir une conversation sur un sujet précis avec un adulte ;
- savoir discuter et rester sur un sujet ;
- apprendre un peu plus sur la vie, à savoir ce que les autres pensent d’un sujet, à connaître plus les autres ;
- apprendre à changer d’avis - on n’est souvent pas d’accord -, apprendre qu’il n’y avait pas qu’une seule réponse à une question ;
- savoir s’écouter, respecter la parole, pouvoir se concentrer sur ce que l’autre dit ;
- apprendre à parler correctement ;
- apprendre la vie ; apprendre à réfléchir sur la vie.

Ces constats, ces évaluations ont amené les enseignants de l’équipe de la SEGPA Jean Moulin à reconduire d’une année sur l’autre ce projet. Nous en sommes arrivés à une façon de procéder particulière. A chaque séance, après un accueil de Jean-François Chazerans, je rappelais les débats antérieurs, cela étant complété par le "philosophe" et par les élèves. Après un résumé des questionnements en cours, le débat se poursuivait, mené par le professeur de philosophie. Je me chargeais de prendre en notes succinctes les paroles des uns et des autres, faisais un rappel des discussions depuis le début de la séance, recentrais la discussion si elle sortait trop du thème travaillé, "calmais" les ardeurs de certains éléments ou demandait à Jean-François de reformuler son intervention si je sentais que les élèves n’avaient pas, tous, bien compris. Parfois je reformulais en prenant pour exemple les lectures, vidéos... travaillées en classe.

Je voudrais insister sur cette présence de deux adultes dans l’activité. Dans les classes, il est parfois difficile de canaliser les interventions quand le thème est trop porteur d’émotions ou met en jeu d’intimes convictions où il est inacceptable qu’il y ait des réponses contradictoires. En revenant ultérieurement sur ces expériences, la présence de deux adultes - dont un professeur de philosophie - permet une meilleure objectivité et une complémentarité dans le vécu, sans parler que quatre yeux et oreilles ne sont pas inutiles avec certains publics. Le professeur de philosophie apporte aussi par sa présence et ses interventions une « solennité », un « gage se sérieux » supplémentaire, une légitimation en quelque sorte.


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